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Juin 2013: rencontre de clarisses à Ronchamp
Paysage d'Assise
Le cloître du monastère Saint-Damien à Assise
Fresque de l'oratoire de Saint-Damien
Peinture de Claire par Arcabas monastère de Vandoeuvre
Sainte Colette, icône contemporaine sr Marie-Michel - Nice
Constitutions de Colette - 1434
Pichet et écuelle |
Sainte Claire d’Assise (1193-1253) a fondé, il y a 8 siècles une nouvelle vie religieuse. Celle-ci est réformée deux siècles plus tard en France par sainte Colette (1381-1447). Notre identité se décline en deux mots tout simples : sœur et pauvre. Elle se carac-térise par une vie de prière, joyeuse et fraternelle.
Sainte Claire, notre fondatrice1193 ou 1194 : Claire naît à Assise Elle est la fille aînée d’Ortolana et de Favarone di Offreducio qui appartiennent tous deux à la petite noblesse de la cité d’Assise (Italie). Tandis qu’elle priait avec anxiété pour un bon accouchement, Ortolana s’entendit révéler que son enfant serait « une grande lumière pour un grand nombre ». Elle donna à sa fille un prénom inédit : Claire.
1203 – 1205 : Troubles à Assise Le régime féodal qui donnait le pouvoir à la noblesse est renversé par la classe montante des bourgeois à laquelle appartenait François, fils d’un riche marchand de draps. La famille de Claire s’exile à Pérouse. Le 13ème siècle est marqué par des violences sociales entre nobles et bourgeois, par des guerres entre cités, entre partisans de l’empereur ou du pape, par l’essor du commerce qui exclut une masse de nouveaux pauvres : les anonymes que sont les pauvres urbains. Un nouveau monde naît à l’époque de Claire et elle ne sera pas insensible à ses aspirations à la liberté, à la fraternité et à la paix, cette paix que tous souhaitent mais sans y parvenir.
1206-1210 : La conversion de François fait grand bruit à Assise où Claire est revenue. Claire a 16 ou 17 ans quand elle entend François pour la première fois. Sa prédication entre en consonance avec ce que l’Esprit lui murmure au fond du cœur. Des entretiens secrets suivent et François confirme la jeune fille dans son projet de vie religieuse alors qu’elle est en train de refuser les beaux partis que lui proposent ses parents !
1211 : Au soir de la fête des Rameaux, Claire a 18 ans, elle quitte de nuit la maison familiale, pour rejoindre François et les frères qui l'attendent en prière dans la petite chapelle de la Portioncule. Là, François lui coupe les cheveux, la reçoit à l’obéissance et lui donne l’habit de pauvreté.
Peu de temps après, elle va demeurer à Saint-Damien, la petite église que François avait réparée et où le Christ en croix l’avait interpellé : « Va, François, répare mon église ». Elle y restera jusqu’à sa mort.
Bientôt, sa sœur Catherine (plus tard sa sœur Béatrice) et d’autres jeunes femmes nobles, amies ou de sa parenté, citadines ou servantes, vont la rejoindre. Ensemble, à l’écoute de l’Évangile, cette première communauté mène une vie de prière, simple, pauvre et fraternelle. François donne aux sœurs une petite « forme à vivre » où l’accent est mis sur la pauvreté évangélique et l’appartenance à une même famille spirituelle.
1214 : François impose à Claire « la direction et le gouvernement des soeurs ». Claire comme François s’inscrit dans une dynamique de pauvreté vollon-taire. Pour les sœurs, la pauvreté collective est tout à fait inédite : toute communauté religieuse sédentaire (la seule forme de vie envisa-geable à l’époque pour des femmes) devait avoir des privilèges c’est à dire des rentes sûres pour être reconnue par l’Eglise. En 1215, le concile de Latran IV impose à tous les nouveaux mouvements religieux de prendre une règle déjà existante. Claire se voit contrainte de suivre la Règle de saint Benoît .
Par fidélité à son intuition évangélique, elle sollicite d’Innocent III le Privilège de pauvreté qui lui garantit le droit de n’être forcée par per-sonne à recevoir des biens. Le biographe de Claire raconte qu’ « à cette demande sans précédent, le pape ré-pondit tout en riant bien fort, par une faveur sans précédent : de sa propre main, il rédigea une petite note concernant le privilège accordé. » En 1215, une jeune fille de 21 ans a osé demander au chef d’une Eglise riche et puissante, le "Privilège de pauvreté ». Il sera renouvelé en 1228 par Grégoire IX
1225 : François très malade fait un bref séjour à Saint-Damien où il compose son cantique des créatures. Après la mort, le 4 octobre de son « père spirituel », Claire devra lutter seule pour défendre sa forme de vie. Pendant 17 ans, elle sera une fi-dèle interprète de l’héritage francis-cain et plus particulièrement de la radicalité de la pauvreté évangélique.
1240 et 1241 : A deux reprises, la prière de Claire et ses sœurs fait fuir des hommes d’armes venus attaquer la ville d’Assise. En 1240, impuissante face aux mercenaires qui envahissent le monas-tère, mais forte de sa foi, elle se fait porter au devant d’eux avec la cassette (non l’ostensoir qui n’existait pas à l’époque) contenant le saint sacrement. L’histoire dit que ces hommes s’enfuirent. Cet épisode est à l’origine des nombreuses représentations de Claire « brandissant » un ostensoir !
1253 : Le 9 août, Claire reçoit du pape Innocent IV l’approbation de sa Forme de vie, la première règle de vie religieuse écrite par une femme pour des femmes, fruit de l’expérience de la première communauté. Elle en avait commencé la rédaction dès 1248 car elle était insatisfaite de la Forme de vie d’Innocent IV qui lui fut imposée en 1247 : tout en officialisant le lien des sœurs à l’Ordre des frères mineurs et à François, cette règle permettait d’avoir des propriétés ! Dix ans plus tard, le 18 octobre 1263, le pape Urbain IV promulgue la Règle de l’Ordre de sainte Claire où les propriétés sont permises. Il faudra attendre la réforme de sainte Colette pour un retour à la pauvreté des origines et à la Règle de Claire. Le 11 août, entourée de ses sœurs et de quelques frères, Claire meurt heureuse en rassurant son âme et en louant le Seigneur : « Pars en toute sécurité car tu as un bon guide pour la route. Pars, Celui qui t’a créée t’a aussi sanctifiée. Il t’a toujours gardée et aimée d’un tendre amour, comme une mère aime son enfant. Béni sois-tu, Seigneur, toi qui m’as créée. »
Il y a alors quelque 150 monastères de clarisses répandus en Europe et jusqu’en Terre Sainte. Et cette aventure de la vie évangélique prenant «la voie de la sainte simplicité, de l’humilité et de la pauvreté sur les traces du Christ pauvre » (Testament de Claire) se poursuit encore aujourd’hui : nous sommes 15000 sœurs pauvres dans 76 pays.
Les écrits de ClaireA côté de la Règle, Claire n’a laissé que peu d’écrits personnels mais ils témoignent de la richesse de sa vie intérieure : un testament, une bénédiction et 4 lettres à Agnès de Prague, princesse de Bohême qui refusa d’épouser l’empereur Frédéric II pour mener dans son monastère, la Forme de vie des sœurs pauvres de Saint-Damien. En félicitant et conseillant Agnès, Claire nous partage son propre cheminement spirituel.
Les écrits de Claire nous invitent à devenir sœur et pauvre par amour du Christ.Par amour du ChristLe feu intérieur qui habite Claire la conduit à marcher avec audace sur un chemin évangélique inédit. Comment a-t-elle exprimé cet amour du Christ qui la brûle ? Le fil rouge de sa vie, c’est sa foi. Écouter ce qu’elle nous en dit aide à comprendre ce qu’elle a fait de sa vie.
« Aime totalement Celui qui par amour pour toi s’est donné tout entier. »
« Vous êtes à la fois épouse, mère et sœur de mon Seigneur Jésus-Christ, armez-vous de courage pour le service de Dieu ; conservez au cœur le désir brûlant de vous unir au Christ pauvre et crucifié. »
« Pose ton esprit, ton âme, ton cœur devant le Christ miroir du Père et transforme toi tout entière par la contemplation dans l’image de sa divinité. Alors tu ressentiras toi aussi ce que ressentent les amis en goûtant la douceur cachée que dès le commencement, Dieu a réservée à ceux qui l’aiment. »
La prière de Claire et ses sœurs est faite de louange et d’intercession.
« Je te vois embrasser avec l’humilité, la force de la foi et les bras de la pauvreté, le trésor incomparable caché dans le champ du monde et la profondeur du cœur humain, trésor par lequel on achète Celui par qui tout a été fait de rien. Pour utiliser les paroles de l’Apôtre, je te considère comme une aide de Dieu même. Tu es le réconfort des membres sans force de son Corps très Saint. »
« Louez Dieu, chaque fois que vous voyez de beaux arbres fleuris et feuillus. Faites de même à la vue des humains et des autres créatures afin que Dieu soit loué pour tout et en tout. »
Devenir sœur« Et vous aimant les unes les autres de la charité du Christ, l’amour que vous avez au-dedans, montrez-le au-dehors par des actes, afin que provoquées par cet exemple, les sœurs croissent toujours dans l’amour de Dieu et la charité mutuelle. »
« Une fois dans la semaine au moins, que l’abbesse soit tenue de convoquer ses sœurs au chapitre… Là ce qui doit être traité pour l’utilité du monastère, qu’elle en confère avec toutes ses sœurs; souvent en effet le Seigneur révèle ce qui est le meilleur à la plus jeune.»
« Que l’abbesse ait tant de familiarité avec ses sœurs que celles-ci puissent lui parler et agir avec elles comme des dames avec leur servante. Car il doit en être ainsi : que l’abbesse soit la servante de toutes les sœurs. »
Devenir pauvreLe mode de vie pauvre et fraternel décrit par Claire s’enracine dans l’amour. Dans le rapport aux biens et aux personnes, Claire nous apprend l’art de discerner le nécessaire pour vivre dans une sobriété heureuse.
« Qu’avec assurance chacune manifeste à l’autre sa nécessité. Et si une mère chérit et nourrit sa fille charnelle, avec combien plus d’affection chaque sœur ne doit-elle pas chérir et nourrir sa sœur spirituelle. »
« Que l’abbesse et les sœurs, soient soucieuses et prévoyantes: qu’elles n’acquièrent ou ne reçoivent de terre, sinon autant que l’exige l’extrême nécessité pour un jardin à culture de légumes. Et si pour le retrait du monastère, il fallait avoir plus de terre hors de l’enceinte du jardin, qu’elles ne permettent pas que soit acquis ni même qu’elles ne reçoivent pas plus, sinon autant que l’exige l’extrême nécessité. Et que cette terre ne soit absolument pas travaillée ni semée mais demeure toujours en friche et inculte. »
Il y a dans la spiritualité de Claire une harmonie et une simplicité qui ont leur source dans la manière de vivre en amitié avec soi, Dieu et les autres. À la fin de sa vie, dans sa bénédiction à ses sœurs présentes et à venir Claire les exhorte :
« Demeurez toujours les amies de Dieu, les amies de vos âmes et de toutes vos sœurs et soyez toujours attentivement fidèles aux promesses que vous avez faites au Seigneur. Que le Seigneur soit toujours avec vous et puissiez vous être vous aussi, toujours et partout avec Lui. »
Sainte Colette de CorbieSainte Colette (1381-1447) est une des grandes figures du XVe siècle, qui a fortement marqué l’Église de son temps, et spécialement la famille de sainte Claire et de saint François. Elle accomplit une réforme profonde de la vie de clarisse, dans la fidélité aux origines et avec une audace créatrice adaptée à son temps. Forte personnalité, Colette sait allier, par sa disponibilité constante à Dieu, une vie contemplative intense et une itinérance presque continuelle qui la fait sillonner, pour réaliser sa mission, une France déchirée par la guerre de 100 ans. Vie difficile qui nous la rend si proche !
1381 : Colette Boëllet naît à Corbie, près d’Amiens en Picardie (France). Elle est fille unique de parents âgés qui ont accompli un pèlerinage à saint Nicolas, en Lorraine, pour la demander à Dieu. D’où son prénom, diminutif de Nicolette. Très fervente dès son plus jeune âge, elle est aussi attentive aux pauvres. Orpheline à 18 ans, elle cherche laborieusement sa vocation.
1402 : Conseillée par un franciscain, à 21 ans, elle entre en « reclusage » à Corbie, dans un petit logement adossé à l’église Saint-Étienne : Solitude, pauvreté, silence, écoute de la parole de Dieu, combat spirituel… Elle connaît de l’intérieur le mal et la détresse de la société et de l’Église de son temps. Après bien des résistances, elle consent enfin à la mission qu’elle pressent lui être demandée : rallumer la flamme évangélique dans la famille de sainte Claire et de saint François.
1406 : Providentiellement aidée par le frère Henri de la Baume, qui l’accompagnera durant 40 ans, et dont la relique repose en notre oratoire de Ronchamp, elle va rencontrer à Nice le pape Benoit XIII (un des 3 papes d’alors) qui, inspiré, reçoit sa profession de clarisse et la nomme abbesse et mère de la réforme qui va naître.
1410 : Après quelques années de recherches avec un petit groupe de jeunes compagnes, elle obtient du pape le monastère de Besançon, presque vide, qui sera le berceau de sa réforme. De là, elle partira créer ou réformer un nombre impressionnant de monastères : Auxonne (Côte d’or-1412) – Poligny (Jura-1415) – Decize (Nièvre-1419) – Seurre (Côte d’or) et Moulins (Allier-1421) – Aigueperse (Puy de Dôme-1422-25) – Vevey (Vaud-1422-25) – Orbe (Vaud-1426-27) – Gand (Flandres-avant1429) – Lézignan (Aude-avant 1430) – Le Puy (Haute-Loire – 1425-32) – Hesdin (Pas-de-Calais-1437) – Heidelberg (Palatinat-1438) – Amiens (Somme-1442-44) – Castres et Béziers réformés avant 1443. Une fondation avait été prévue à Montbéliard vers 1430, mais n’a jamais vu le jour.
Tous ceux qui l’approchent sont saisis par le rayonnement qui émane d’elle : Vocations, conversions, délivrances, guérisons, résurrections, réconciliations se multiplient à sa prière. Elle s’était voulue solitaire, et la voici en relations continuelles avec les grandes familles rivales (Maison de Savoie et Maison de Bourgogne) qui s’unissent pour l’aider à construire des monastères !
« Sans cesse en route comme une aiguille diligente à travers la France déchirée, Colette en recoud par-dessous les morceaux avec la charité. » Paul Claudel
Pourtant, ne lui manquent pas non plus les difficultés, dangers, oppositions, échecs, fatigues et épreuves de toute sorte… N’est-ce pas le lot de toute fondatrice ou réformatrice, disciple du Christ dans une nouvelle période de l’histoire humaine ?
6 mars 1447 : Colette meurt dans son monastère de Gand, ayant demandé à ses sœurs de la laisser en totale solitude, se préparant ainsi à rencontrer son Seigneur, comme en ses débuts de vie pour Dieu. Mais, écrit-elle dans ses derniers avis :
« Je ne vous oublierai pas plus au ciel que je ne vous ai oubliées sur la terre. Que l’amour et la grâce de notre Seigneur remplissent vos esprits et vos cœurs. Que ses bénédictions descendent sur vous et vous conservent jusqu’à la fin. »
Les écrits de ColetteSes sentiments sur la Règle de sainte Claire, élaborés peu à peu au cours de ses périples et séjours dans ses monastères :
« Nous nous sommes engagées à marcher dans le sentier étroit à la suite de Jésus Christ notre Sauveur. »
« Pour l’amour de Jésus Christ notre Seigneur, qui n’a jamais eu de maison ici-bas, pour l’amour de sa pauvreté, les sœurs se contenteront de bâtiments absolument nécessaires, sans rien de superflu. »
« Que la charité, l’amour et la dilection mutuelle acquièrent tous les jours une nouvelle vigueur. »
« Garder le saint Évangile de la manière que notre Sauveur nous l’a donné. »
Ses constitutions : Mise en forme canonique de ses « Sentiments sur la Règle de sainte Claire », approuvées et scellées de son sceau en 1434 par Guillaume de Casal, ministre général des frères mineurs. L’original de ce précieux parchemin est dans nos archives.
Ses lettres et son testament, dont voici quelques extraits :
« Vivez et mourez en vraies pauvres, comme fit notre doux Sauveur en croix pour nous »
« Soyez contentes de ce qui vous manque, pour parvenir plus légèrement au Royaume. »
« De nécessité il nous faut vaincre, si nous ne voulons être vaincues ! »
Ses derniers avis, donnés à Gand, peu de temps avant sa mort :
« La réforme est l’œuvre du Tout-Puissant, croyez-le bien… C’est donc de Lui et de Lui seul qu’il faut tout attendre. Croyez qu’Il achèvera ce qu’Il a commencé. »
« Aimez la pauvreté comme votre mère, gardez-la comme votre plus précieux trésor, c’est le plus riche héritage que notre père saint François vous ait légué. »
« Soyons généreuses envers Dieu… Surtout, oublions-nous nous-mêmes et n’ayons en vue que le bon plaisir et la gloire de Dieu. C’est alors qu’Il verra dans nos œuvres la générosité dont notre faiblesse est capable. »
Et pour terminer, voici sa bénédiction, qui clôt son testament :
« Le Père de toute miséricorde, le Fils par sa sainte Passion, le béni Saint Esprit, fontaine de paix, de douceur et d’amour, vous donne à toutes consolation ! »
Notre monastère de Ronchamp garde de beaux objets ayant appartenu à sainte Colette (Habit - corde – écuelle – etc.) et la grande croix de prédication de saint Vincent Ferrier (dominicain espagnol), qu’il lui donna lors de leur rencontre en 1417. Humble signes matériels, et puissance vivifiante d’un esprit ! |